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La Légende du Bois Flotté

J’ai longtemps connu le soleil et la sève, la force de la terre : j’étais si bien enraciné, gorgé de ces odeurs.

Et puis, je ne sais comment c’est arrivé : tempête, brisure, déplacement, j’ai connu un autre élément. C’était trempé, salé, mouvant, cinglant, c’était plein de force, de mouvement, de passion, c’était fort, et vivant. Je me suis laissé ballotter au gré des vagues, je me suis gorgé d’eau, de sel, de soleil, et de ces minuscules particules d’océan, qui sont les poussières de la vie. J’ai suivi le courant, en dansant dans les mouvements fous de l’eau. Très longtemps, j’ai flotté, construisant ainsi mon nom, jusqu’au repos, au creux d’une crique où mon voyage semblait s’achever.

Au creux du sable, j’ai goûté le soleil, sous les cris des goélands, auprès des algues rondes.  Ebloui de lumière, je me suis laissé caresser par le vent qui a fini par avoir raison de toute cette eau qui m’engorgeait. A peine ai-je eu le temps de m’alléger, et m’évader dans quelques rêves, qu’une main blanche m’a saisi. Un autre voyage m’attendait.

Nettoyé, travaillé, habillé, j’ai appris à montrer fièrement mes formes, dessinées par mes aventures, mes voyages, mes errances. Je saisis bien le paradoxe de ce que je suis : bois sauvage, et pourtant savamment récuré, domestiqué, poli, assemblé. Imprégné de mille odeurs de mondes différents, je n’en garde que le souvenir, ancré dans chacune de mes fibres.  Je peux même rire de tous ces mouvements qui m’ont construit, moi qui maintenant, solide, semble servir d’amarre à la lumière.

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Texte : Nolwenn Gobrait

 

 
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